Je n’arrive pas à croire la chance que j’ai

Passer en coup de vent ne me nourrit pas assez. J’aime me poser pour toucher les images en version « Live » du National Geographic, celles qui ont tant enflammé mon imagination d’enfant. Plus de 11 ans en Afrique dont le Tchad et l’Éthiopie, cinq ans d’Asie en Afghanistan, dans les montagnes de l’Hindu Kush, du Karakoram et des Himalayas. Des sauts plus courts à me frayer un chemin entre les icebergs au Groenland, ou la canne à sucre en Haïti; des passages dans des pays où je ne pourrai plus jamais retourner, sans parler de ceux qui n’existent même plus. Des noms de montagnes, de pays, de religions et de langues qui m’en font perdre mon latin. J’apprends maintenant un arabe qui ne se parle qu’en Tunisie, où j’habite avec ma famille depuis plus d’un an. Le portugais au Mozambique, le Dari en Afghanistan, le Suisse-Allemand. À chaque fois, je n’arrive pas à croire la chance que j’ai de pouvoir vivre ainsi; celle de rencontrer des gens (de martyriser leur langue) et prendre le temps de m’assoir avec eux pour voir où ça peut mener. Et aussi de partager mes pérégrinations avec des voyageurs, étincelles aux yeux, qui me ramènent à mes premiers pas dans l’inconnu. Sans aucun doute, un vagabond reçoit infiniment plus qu’il ne donne.

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