Histoires de bivouacs

Lors de mon premier bivouac à la belle étoile, en route vers Ogunquit à l’âge de 15 ans, je dors sereinement dans les longues herbes d’un champ lorsque je suis réveillé en sursaut par un train qui roule sur des rails insoupçonnés à... 4 mètres de moi!
Il y a eu plusieurs bivouacs depuis. Parfois volontairement pour éviter de monter la tente, ou protéger notre nourriture et nos déchets des renards arctiques, ou encore pour suivre le souffle des baleines plus longtemps. D’autres involontairement parce que la « sagesse » dit qu’on est plus rapide à grimper une montagne sans s’alourdir avec le matériel de bivouac. C’est un pari à prendre. Dans les très longues voies, je l’ai quelquefois perdu. Alors on improvise avec ce qu’on trouve sur place. Comme ça m’est arrivé deux fois à Chamonix; sur l’arête de Peuterey du Mont-Blanc (avec en cadeau un lever de soleil magique sur le Pilier central du Freney) et à la descente de la face nord des Droites (pour éviter de négocier un labyrinthe de crevasses de nuit et jouir du lever de soleil sur la face nord mythique des Grandes Jorasses). Aussi, en pleine face nord de l’Olan dans le massif des Écrins; à partager une couverture de survie trop vieille qui se désintègre. Ou dans la descente de la face nord d’Édith Cavell dans les Rocheuses; sans frontales pour trouver le sentier et obligés de se coucher à même le sol dans une clairière, à se demander si les grizzlis, eux, dorment bien la nuit.
Mais le bivouac le plus froid reste au sommet de Slipstream, une voie de glace légendaire de 1000 m dans les Rocheuses. On doit se creuser un trou dans la neige au sommet pour s’abriter de la tempête pour la nuit. On a une bâche! Mais on a une seule doudoune pour deux. Aux heures, on échange la doudoune et celui qui la porte frictionne le dos de celui qui ne la porte pas!
Et le plus cocasse: par un bel après-midi de congé de notre job de rêve à guider au Banff National Army Cadet Camp. Juste pour s’amuser, on est suspendus dans un gros toit de calcaire pour le « First annual Gonda roof hang out party ». Je suis le barman à l’étage supérieur, avec une solide glacière du mess des officiers, sur un prototype de portaledge en plywood, pour servir les « Molson Canadian » bien fraîches et munies de cordelettes afin que je puisse les servir au bout d’un brin de corde à mes sept acolytes. On a un baril de poulet Kentucky pour souper! Charles fait jouer de la bonne musique jusqu’au sommeil et au réveil (Miniature d’America, magique!). Il fait grand bleu. Life is good!

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