Quand, la pagaie déposée sur le pont de mon kayak, je le laisse glisser doucement entre les glaces, un jour d’été arctique, de soleil fulgurant, la surface noire et calme du fjord qui absorbe le bout de mes doigts que je laisse volontairement traîner, frôler, plonger de quelques centimètres dans le néant marin. Alors je me sens exactement là où je dois être. Ivresse et relâchement total. En tournant les épaules, la tête, je vois mes voyageurs qui approchent, se faufilent par cette route éphémère que je défriche à coups de pagaie et de lecture des courants. Deviner dans leurs yeux, leurs visages entiers, la stupéfaction d’être là, eux, chacun dans son rêve du Grand Nord, d’icebergs qui crépitent et de lumière permanente.