«On croit qu'on fait un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.» -Nicolas Bouvier
Impossible de passer inaperçue lorsqu’on est femme, seule, traversant à vélo des villages reculés d’Inde. Mes journées s’enchaînaient, mais ne se ressemblaient jamais, si ce n’est que :
L’invitation à m’installer pour la nuit chez une famille
La lutte entre les voisins pour me recevoir à souper
Un chai masala embaumant l’espace
L’air de la pièce qui se raréfie, à mesure que la foule se masse pour venir m’épier
Ce moment où l’on se sent élevée par cette fraternité
Et, finalement, l’immanquable question :
- Aapake pati kahaan hain (où est ton mari) ?
- Je ne suis pas mariée
Le fils célibataire de la famille hôte m’est tout de suite présenté, vanté, encensé, on me presse à vouloir tout de suite à une alliance agréer.
Je m’extirpe de la pièce et me sauve dans la cuisine, prétextant vouloir aider pour le festin improvisé. La mission chapatis m’est confiée.
Manque de confiance flagrant dans la manipulation de la pâte, manque d’agilité à manipuler le rouleau et le résultat final n’impressionnant personne, je suis bientôt renvoyée de la cuisine.
L’aspirant époux a maintenant disparu et je n’en entendrai plus jamais parler.
Le même scénario se représentera soir, après soir, après soir, après…
Ici, à 5 ans, une fillette a déjà maîtrisé l’art de faire des chapatis. La précarité de la vie est ainsi, qu’on ne peut se permettre de décevoir un prétendant mari…